LES JEUNES HSH SÉRONÉGATIFS

Rédigé le 01/06/2021
ALAIN LEOBON


Portrait et caractéristiques des jeunes HSH français (16-24ans) séronégatifs ou séro-inconnus selon la 4e édition du Net Gay Baromètre (2014)

Léobon A., Daunais-Laurin G., Otis J., 2017, Portrait et caractéristiques des jeunes HSH français séronégatifs ou séro-inconnus selon la 4e édition du Net Gay Baromètre (2013-14), Colloque international « La santé des personnes LGBT », Ministère des Affaires sociales et de la Santé, Paris, France, les 9 et 10 mars

Notre équipe a présenté quelques résultats portant sur les jeune HSH dans le colloque sur « la santé des personnes LGBT » du Ministère des Affaires sociales et de la Santé visant 1) à contraster le portrait des jeunes répondants séronégatifs ou séroinconnus avec celui de leurs aînés 2) à identifier les principaux objets et lieux de discrimination rapportés par les jeunes HSH et 3) à s’attarder sur les variables associées à une recherche plus intense de partenaires sexuels occasionnels, questionnant l’homogénéité de la population répondante.

Introduction / questions de recherche

Le Net Gay Baromètre (NGB) est une enquête périodique auprès des HSH utilisant Internet à des fins de rencontre publicisée par le biais d’une diversité de sites gay partenaires ainsi que sur le réseau social Facebook. La 4e édition questionne ces hommes sur leur coming-out, leurs aventures, leur vie de couple, leurs modes de vie, leur sexualité, leur consommation de substances psychoactives, leur engagement dans le travail du sexe, leurs préoccupations en santé et la variation de leur sentiment de discriminations, au regard des espaces qu’ils traversent.

Cette présentation vise 1) à contraster le portrait des jeunes répondants séronégatifs ou séro-inconnus avec celui de leurs aînés 2) à identifier les principaux objets et lieux de discrimination rapportés par les jeunes HSH et 3) à s’attarder sur les variables associées à une recherche plus intense de partenaires sexuels occasionnels, questionnant l’homogénéité de la population répondante.

Méthodologie

Parmi notre échantillon (n=17 385), 63,6 % des répondants rapportent ne pas être porteur du VIH ou ignorer leur statut, et, parmi eux, 3 630 ont entre 16 et 24 ans.

Dans un premier temps, des analyses statistiques bivariées présentent : 1) sur les principales thématiques de l’enquête, les caractéristiques des jeunes participants (comparés à leurs aînés), puis 2) les objets et lieux de discrimination qu’ils rapportent et ceux qui les distinguent de leurs aînés.

Dans un second temps, les 3630 répondants, âgés de 16-24ans, séronégatifs ou séro-inconnus, sont divisés en trois groupes : le Groupe A (N=544) est constitué de ceux qui déclarent 1 seul partenaire occasionnel dans les 12 derniers mois, le Groupe B (N=2112) entre 2 et 12 partenaires et le Groupe C (N=570) 13 partenaires et plus. Une régression logistique polytomique multivariée fut utilisée pour comparer les B et C au groupe A (groupe de référence) afin d’identifier les facteurs associés à une recherche plus intense de partenaires occasionnels (en particulier au regard des principaux indicateurs d’exposition en santé sexuelle et mentale).

Résultats

Analyses statistiques bivariées

Âgés en moyenne de 21 ans, les répondants de 16-24ans rapportent plus fréquemment que leurs aînés être perçus comme « appartenant à une minorité visible » (13,6 % vs 7,3 %). Un peu moins nombreux à s’identifier comme homosexuel (71,0 % vs 75,9 %), ils indiquent toutefois plus fréquemment avoir fait leur coming-out au regard de leurs amis hétérosexuels que leurs aînés (68,6 % vs 60,3 %). Les jeunes répondants sont plus de la moitié à avoir été en couple dans les 12 derniers mois. Leur partenaire de couple est moins souvent moins dépisté pour le VIH que celui de leurs aînés (58,1 % vs 57,1 %) alors qu’ils sont proportionnellement plus nombreux à pratiquer la pénétration anale non protégée avec le préservatif (PANP) avec ce partenaire.

Les jeunes répondants, ayant eu au moins un partenaire occasionnel (P.O) et ayant pratiqué la pénétration anale (n=3 231), sont plus nombreux que leurs aînés à déclarer au moins une PANP (46 % vs 39,3 %), mais aussi des PANP régulières (26,7 % vs 22,4 %) et des PANP avec des P.O séropositifs ou de statut sérologique inconnu (30,3 % vs 24,9 %).

Questionnés sur le sentiment d’avoir été personnellement discriminé, les jeunes participants du NGB indiquent plus fréquemment l’avoir été au regard de leur orientation sexuelle (39 % vs 22,9 %) et du fait « d’avoir des manières » (22,7 % vs 8,3 %). Ces sentiments de discriminations sont le plus souvent vécus à l’école (orientation sexuelle : 19 % ; manières : 12,9 %). Le surpoids est le second motif de discrimination le plus fréquemment rapporté, tout groupe d’âge confondu et, chez les jeunes répondants, cette discrimination est plus souvent vécue à l’école et dans la sphère publique (ailleurs en général).

Régression logistique polynomiale

La régression logistique polynomiale montre que les groupes B et C partagent des facteurs communs en présentant des ratios de côtes plus élevés : par exemple, ils sont plus susceptibles (que le groupe A) de résider en région parisienne ou dans une « ville-centre », de fréquenter le milieu gay, de rechercher des sensations fortes, de consommer des substances psychoactives, d’avoir des PANP régulières, d’être engagés dans le travail du sexe et d’avoir contracté une IST dans les 12 derniers mois.

Plus particulièrement, ces analyses (dont seules les fréquences sont indiquées ici) montrent que le Groupe C (constitué des jeunes répondants ayant eu 13 partenaires et plus [61 partenaires en moyenne par année]) rapporte plus souvent (71,6 % vs 45,8 % ; p≤ 0.001) fréquenter des lieux de sexe, rechercher des sensations fortes (62,8 % vs 51,4 % ; p≤ 0.001), avoir consommé au moins une drogue (61,6 % vs 40 % ; p≤ 0.001).

Concernant leurs pratiques sexuelles à risque, ils rapportent plus souvent des PANP avec un partenaire de statut séropositif ou de statut sérologique inconnu (45,6 % vs 30,3 % ; p≤ 0.001). Conséquemment, ils sont deux fois plus à rapporter au moins une IST au cours de la dernière année (22,5 % vs 11,2 % ; p≤ 0.001).

Conclusion

Ces analyses montrent à la fois les forces et des vulnérabilités des jeunes HSH. Vulnérabilités sur le plan émotionnel, relationnel, en matière de prévention et de santé sexuelle et du fait d’un certain éloignement des lieux plus identitaires. Leurs forces se retrouvent dans leur capacité à négocier avec leurs amis et leur entourage la visibilité de leur homo ou bisexualité. Les objets de stigmate et de discrimination vécus soulignent des carences et des résistances sociétales à l’inclusion des HSH. Les analyses secondaires soulignent que les jeunes HSH ne peuvent être regardés comme un ensemble homogène et que certains, au regard de leurs cultures de sexe, s’exposent régulièrement au VIH Sida. Ainsi, pour une partie de ces jeunes adultes, des interventions ciblées semblent nécessaires et la promotion de la prévention diversifiée, dont la PREP, recommandée pour le Groupe C.